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la vie rêvée des autres

Valéry PLATON


Depuis la fin du COVID, beaucoup de familles ont désiré changer de vie. Les mois de confinement et de restriction ont plus ou moins affecté certaines personnes qui, pendant ces temps troublés, ont fait une introspection de leur vie. De tout cela est né un désir de liberté, de grands espaces et de nouveauté. « Chérie, et si nous changions de vie ? »


C’est ainsi que les camping-cars, les maisons au fin fond des bois et les tours du monde à la voile sont arrivés sur la table des discussions de changements de vie radicaux.


Pour certains, il y avait déjà des envies, des idées et des désirs de partir loin. Loin de la France, loin des confinements, loin des discours politiques maussades et loin de la guerre menaçante en Europe. A ma grande surprise, j’ai vu des familles vouloir partir faire le tour du monde à la voile sans jamais avoir mis le pied sur un bateau. Ces familles ne se rendaient pas compte de ce qu’elles envisageaient, et ce sans expérience. C’est aussi dans ces moments-là que l’on voit que la motivation est un moteur surpuissant de dépassement de soi, de résilience et d’adaptation.


J’ai eu des discussions « lunaires » avec des apprentis navigateurs qui m’ont laissé sans voix ! Moi qui avais déjà une solide expérience en voile et des connaissances approfondies en termes de préparation de voyage à la voile, je dois dire que certains m’ont épaté par leur détermination !



Certes, cette détermination ne s’appuyait que sur une maigre expérience, pour ne pas dire aucune expérience. C’est comme si je disais un matin : « Demain, je vais aller tout en haut de l’Everest », et ce, avec comme seule préparation et entraînement une randonnée dans le massif des Calanques de Marseille. Voilà une analogie qui semble correcte en terme de proportion…


Mais d’où est venue cette idée que l’on pouvait partir en mer sans aucune expérience et faire le tour du monde à la voile en famille? C’est tout simplement que certains l’ont fait. ! Certains, oui, mais pas n’importe qui… Ces personnes sont dotées de compétences bien spécifiques qui leur permettent d’affronter les soucis, les problèmes et les complications inhérentes à ce type de projet et de voyage. Nous ne sommes pas tous égaux face à la mer, car oui, la mer peut faire peur ! Le vent, les vagues, les mouvements du bateau font partie du jeu et peuvent être vraiment impressionnants.



Certains ne s’y font pas, car nous n’allons pas nous mentir, comme le disait Éric Tabarly : « La voile est le moyen de transport le plus lent et le plus inconfortable ! » Je me permettrai de compléter la pensée d’Éric en précisant que cela est également extrêmement onéreux, fatigant, voire flippant quand on débute. Mais la voile, quand elle est bien pratiquée, est aussi le moyen de transport le plus élégant qui soit. Lorsque, après une belle navigation et malgré la fatigue, on arrive à bon port avec un bateau en un seul morceau, on peut avoir la satisfaction de se dire : « On a fait du joli bateau aujourd’hui », c’est aussi une des expressions d’Éric Tabarly…


L’ignorance donne du courage à ceux qui partent sans connaître. Parmi eux, certains se découvrent une véritable passion pour la voile et le voyage. Pour d’autres, tout ceci est trop dur et ils abandonnent en ayant appris sur eux-mêmes. Il est parfois difficile de garder le positif quand on a vendu sa maison, dit au revoir à ses amis et ses collègues de travail, mis de la distance avec sa famille, sans parler des ados à qui on a expliqué qu’ils se feront d’autres amis en route et que ce sera fantastique…



Le verbe confiner est devenu pour certains plutôt le verbe enfermer… Alors, en famille, ensemble, on va sur YouTube et on regarde. On regarde "les autes" qui sont au soleil, faisant la promotion de leur vie de « liberté », leur vie de voyages et "d’aventure". Mais attention, il n’y avait pas de sous-titres…


Durant le premier confinement, certaines chaînes YouTube ont littéralement explosé et les réseaux sociaux ont eu, encore une fois, une grande responsabilité dans la prise de décision de partir faire le tour du monde à la voile, ou d’acheter une maison dans un petit village pour aller vendre des œufs au marché le mardi matin.


Ceux qui voyagent, ceux qui naviguent et ceux qui « plaquent tout » pour changer de vie communiquent, et même, communiquent beaucoup. Mais vous n’êtes pas les autres, vous avez vos propres peurs, vos propres limites mais aussi vos propres capacités à vous dépasser et à trouver force et résilience au fond de vous-mêmes. Alors n’arrêtez pas de rêver, n’arrêtez pas de vouloir tout changer mais de grâce, faites-le en pleine conscience de qui vous êtes et surtout, ne vous mentez pas à vous-mêmes. Il est très difficile de vivre heureux avec nos propres mensonges. Le changement de vie peut devenir fantastique mais ne confondez pas vos projets avec la vie rêvée des autres.


Valéry

2 Comments


Guest
Sep 30, 2024

La vie rêvée des autres… quel beau titre. J’imagine une suite faite d’épisodes consacrés à l’histoire des familles croisées sur les pontons et mouillages. Des histoires de réussites et d’échecs. Avec les secousses et répliques psychologiques chez les différents membres d’une même aventure, qui ne la vivent pas à l’unisson. Des portraits, des anecdotes, des expériences, des recentrages, des évasions… des rêves brisés côtoyant des rêves sublimés. Des morceaux de vie, des bouts de soi, des fiertés et des déceptions. Des histoires de honte cachée; mais derrière quoi ? Des histoires de fanfarons; mais qui cachent quoi? Honnêteté et mensonge. Des portraits de gens de mer, d’apprentis sorciers, de jusqu’au boutistes, de courageux, de découragés, d’apeurés.

Un microcosme au milieu…

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Guest
Sep 30, 2024
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Que de très belles paroles et une analyse subtile de ce monde de voyageurs parfois immobilisés par l'immensité de leurs rêves.

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PHOTOGRAPHE - NAVIGATEUR - PLONGEUR
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